Dans les années 1970 la station de Port Leucate faisait de la publicité dans toute la France avec le slogan « Port Leucate pays de la liberté » – mettant en avant des adolescents à poil[1]. Durant l’été 2013 on pouvait voir quelques unes de ces affiches dans l’exposition « Exposition centenaire Georges Candilis Architecture & Design » expo, dont j’ai parlé un petit peu dans le billet « Les cigales de Port Leucate ». Leucate, pays des plages de la liberté, avec cet arrêté anti burkini , c’est définitivement du « has-been » – car avec cet arrêté municipal « anti – burkini » promulgué à Leucate (comme dans 31 autres communes françaises[2]) la liberté de profiter librement des plaisirs de la plage dans l’habit qu’on choisit est partie en fumée. Peut-être faudrait –il rappeler à Monsieur le Maire de la commune de Leucate Michel Py, qu’au début de la station de la Franqui, une des premières stations balnéaires du Languedoc, le plagiste se baignait encore tout habillé. Dans le livre « La nature et le balnéaire – le littoral de l’Aude [3], [4]» – qui est d’ailleurs une excellente étude de géographie historique sur l’évolution de la côte audoise – on trouve une très belle photo « baigneurs et pécheurs cohabitent a la Franqui vers 1910 » qui nous rappelle à quel point les tenues de bains ont changé sur la côte audoise [5] , [6]. Mais même de nos jours on voit ici et là des plagistes habillé en « vêtements de rue » profitant de la plage. Ceci parfois je l’ai déjà pratiqué moi-même pour me protéger du soleil et du vent sur les plages leucatoises. En plus on voit de plus en plus d’enfants sur les plages françaises portant une combinaison néoprène pour se protéger du soleil. Cela se rencontre aussi sur les plages Leucatoises. L’envie de choper quelques voix au FN, de voir le nom de Leucate effleurer les medias nationaux, a certainement eu sa responsabilité dans la promulgation de cet arrêté municipal malheureux. Parfois je me demande, ce que arriverait à un prêtre en soutane, qui profite des plaisirs de la plage sur les plages leucatoises en aout 2016 comme le fit mon oncle durant les années 1970 – serait-il verbalisé par les agents de la police municipale de Leucate ? Dans les années 1970 mon oncle Jean-Pierre Migliori[7], prêtre de l’Église vieille-catholique – se baladait coiffé de son bonnet ecclésiastique, la barrette, et en soutane – parfois sur les plages leucatoises. En fait il n’aimait pas trop la plage, mais il voulait faire plaisir à ses neveux et nièces en les accompagnants à la plage. Ou une jeune femme juive orthodoxe se baignant sur une plage leucatois en « maillot pudique » qui n’est rien d’autre que le « cousin juif du burkini [8]» est-ce qu’elle se ferait verbaliser à Leucate ? De vouloir faire de la tenue vestimentaire sur les plages françaises un pilier dans le combat anti-djihadiste, – là il y a certainement mieux à faire – et c’est même contreproductif si on veut vraiment combattre l’intégrisme religieux islamique! D’une certaine façon, et ceci au-delà de l’édile de Leucate, comme Monsieur Py est dénommé dans un article du Monde, tous ces maires qui ont promulgué des arrêtés anti-burkini ont ,par ignorance fait le jeu des monarchies wahhabites les plus arriérées – car en Arabie saoudite – la conduite d’une voiture ou une baignade en burkini est simplement interdite pour toutes les femmes. Olivier Roy récemment dans une interview va encore plus loin « Le groupe Etat islamique où les talibans n’autoriseraient jamais le burkini. Au contraire, cette tenue est l’exemple même de la gentrification de la pratique religieuse musulmane dans l’espace occidental. Ce maillot de bain couvrant est symboliquement lié l’ascension sociale de certaines musulmanes. Le porter représente une tentative, pour des femmes, plutôt jeunes, de poser un signe religieux sur une pratique moderne, c’est-à-dire la baignade en famille ….. Non. Les débats sur le port du burkini et de la burka, par exemple, doivent être distingués, car le burkini est une invention récente [créé en 2003 en Australie], qui fait sauter les fondamentalistes au plafond. Pour ces derniers, une femme n’a pas à se promener sur la plage, et encore moins se baigner ! Donc le burkini est, au contraire, une tenue moderne, qui n’a rien de traditionnel ou de fondamentaliste. ».
Pour revenir à Leucate – j’aurais bien aimé que le maire de Leucate eût investi la même énergie pour enfin faire vivre le point d’info Natura 2000 sur le grand Cap – que pour cet arrêté municipal anti burkini. Mais le point d’info Natura 2000 au site de la falaise du Cap Leucate semble être tout simplement tombé à l’oubli. Ce petit scandale sur la falaise de Leucate mériterait aussi un petit regard de la presse nationale.
Au-delà de la polémique « anti-burkini » – je crois que le maillot couvrant une partie intégrale du corps a encore de beaux jours devant lui – les risques de cancer de la peau qu’une exposition trop longue au soleil peut engendrer vont booster le port du maillot de bain intégral sur nos plages. Profiter de la plage, d’une baignade en mer sans prendre de risque d’attraper un cancer de la peau – ceci est aussi une des promesses d’un maillot de bain intégral comme le burkini ou le maillot pudique juif en sont. D’ailleurs cette sorte de maillot de bain intégral que portent les maitres-nageurs sauveteurs (féminin et masculin) de la SNSM a une forte ressemblance avec le burkini. Au Barcarès, commune avoisinante de Leucate, ces maitres-nageurs ont partiellement assuré la surveillance de plages durant l’été 2016[9].
Référence :
Andreu-Boussut, Vincent (2008) : La nature et le balnéaire. Le littoral de l’Aude. Paris, l’Harmattan, ISBN 978-2-296-07604-4
Photo: Vue sur la plage de Leucate – plage (30.05.2012) © Christophe Neff 30.5.2012
Christophe Neff, Grünstadt le 30.08.2016
[1] On peut retrouver un scan d’une de ces images sur le site de Jacques Hiron. Voir ici.
[2] Dans l’article « Plusieurs maires veulent maintenir leur arrêté « anti-burkini » » on trouve une carte montrant les 31 communes françaises ayant pris un arrêté anti-burkini.
[3] Le livre est la version publiée de la Thèse de doctorat de Vincent Andreu-Boussut « L’aménageur, le touriste et la nature sur le littoral de l’Aude. Modèles d’aménagement, pratiques touristiques et enjeux environnementaux ». Download ici.
[4] Dans ce livre de Vincent Andreu-Boussut on trouve aussi un tres beau chapitre sur les debuts de la station de la Franqui , l’histoire de l’hotel Excelsior, de la familie Bertand etc. « chapitre : La Franqui-plage : un essor en demi-teinte orchestré par la famile Bertrand (Andreu-Boussut, 2008, 44-47)»
[5] Dans la version (Thèse) du livre de Vincent Andreu-Boussut on trouve sur la page 78 la planche 16 « l’essor des bains de mers : Invention de la plage et nouveaux liens – sociaux spatiaux ». Download ici.
[6] On trouve des belles photos de la station de la Franqui du début du 20ème siècle ici sur le site « Colonie de Vacances de Lézignan-Corbières à La Franqui ».
[7] Jean – Pierre Migliori nommé „Jeshouandadev“ 1943 (Hussigny) – 1977 (Strasbourg).
[8] Voir aussi dans Libération le réportage de Nissim Behar « En Israël, un cousin du burkini pour les juives orthodoxes »
[9] Sur le site de Martial Guerin on trouve un reportage TFI sur les sauveteurs de la SNSM au Barcarès, dans le quel la sauveteuse maitre – nageur « Laura Lanvin » en maillot intégral est interviewée! (A voir ici).